lundi 24 octobre 2011

Les sept vies du chat à neuf queues

le futur succès des fameuses Ed. (en cours)....
dessin Benoit Souverbie, texte Isabelle Micaleff, (ah oui, je vois....)
Un autre extrait

Sur le carrelage, la chatte s’est abandonnée. De tout son long, elle couvre la faille de lumière. Un trait de soleil que laissent passer les volets mal clos.
Elle se lèche, ronronne, dans son sommeil elle s’agite après quelque chasse réussie, puis se rendort d’une oreille.
Affalé dans le fauteuil, il observe la chatte.
Il pourrait modeler des chattes. Ses mains s’agitent, malaxent les bras du fauteuil au cuir éraillé par tant d’années de vie commune. Des chattes dormantes et secrètes, rares, chassantes ou chassées, heureuses, peureuses, vives, mielleuses, agressives… Toute une série de chattes, parce qu’il ne peut y avoir une seule origine du monde.

Une maladie chronique et irréversible : ranger, trier, classer, ordonner, faire des séries. En permanence il tente de relier le disparate. Mettre son monde en boîte, pire, le mettre en pilulier : matin, midi et soir.
Respecter une règle, une contrainte, pour s’aider à modeler, pour protéger la terre qu’il pétrit de ses errances. La règle donnée est une barrière face au grand désordre permanent de sa vie. Les éléments, les sens, les saisons, les points cardinaux, les muses, les péchés capitaux, les arcanes du tarot... Peu importent. Besoin, envie ou nécessité de lier entre elles les différentes statues jaillies de la glaise. Parce qu’il est confortable de relier, du fragmentaire aller à l’unité, emboîter les pièces du puzzle puis tenter d’effacer le contour des formes, guidé par l’espoir d’effacer toute aspérité. Son art donne à voir ce que sa vie lui cache... Il recherche la paix fragile de la contrainte en création, attente vaine, quête permanente pour atteindre l’inaccessible étoile.
Ainsi cette chatte abandonnée sur le carrelage, juste dans la faille du soleil.

Hier, il aurait dû se lever, aller la caresser. Elle a disparu cette nuit et ne reviendra pas.
Elle ne l’a pas touché, pas même effleuré. Et aujourd’hui il pétrit de ses mains de boulanger affamé l’argile humide. Il malaxe la terre à la recherche d’une issue, d’un mode d’emploi. Plier, assouplir, déplier, contraindre. Aller chercher son plaisir qui ne vient pas. Que les formes cèdent à son désir.

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